5 Différences culturelles amusantes
5.1 Unités de mesure mystérieuses
5.1.1 Masses et volumes
Un bon point pour le Canada par rapport aux États-Unis : l’usage
légal des mesures impériales↗ semble y avoir
totalement disparu ; les distances sont en kilomètres et les masses
en grammes. Les unités impériales restantes sont là
essentiellement pour aider le consommateur à s’y retrouver —ça
peut sembler paradoxal, mais ce n’est pas tellement différent de
l’affichage des prix en monnaie locale dans les pays de la
zone euro↗, qui subsiste, des années après
l’introduction de l’euro ; certaines habitudes sont tenaces— : les
cafés et sodas sont parfois vendus en onces↗ et
les pizzas ou sandwiches (de
Subway) en pouces↗
—de diamètre et de long, respectivement—, abrégés « po. » et non
pas « in. ». On vous dira sans doute le prix des pommes en
dollars par livre.
Même là où l’étiquetage est strictement en unités métriques, on
remarquera que les contenances standard sont différentes de celles
vue en Europe : par exemple, les canettes de soda sont le plus
souvent de 355 mL, contre 330 mL en Europe, ce qui s’explique si
on convertit pour obtenir 12 onces liquides US. De la même
manière, le format des grandes bouteilles de spiritueux, 1,14 L,
contre souvent 1 L en Europe, correspond à 40 onces liquides
impériales (oui, il y a plusieurs types d’onces liquides : ça fait
partie des joies des systèmes d’unités archaïques).
5.1.2 Formats de papier
Hélas, presque partout, ce sont les
stupides
formats de papier américains, notamment le format « lettre » de
215,9 par 279,4 mm, qui sont utilisés, plutôt que les formats ISO,
qui présentent pourtant de nombreux avantages. De plus, le papier
standard est de plutôt moins bonne qualité que ce à quoi j’ai été
habitué en France : tous les stylos à encre bavent dessus. On peut
trouver des cahier séyès A4 chez
Renaud-Bray, à condition de
ne pas regarder à la dépense.
5.2 Langue française
5.2.1 Respect de la langue
Le Canada est un pays dont l’identité et la culture incluent le
bilinguisme, mais, au Québec, la seule langue officielle est le
français↗ (Charte de la langue française, article 1) :
ainsi, toute la signalisation routière est normalement écrite en
français exclusivement. Il existe des exceptions ; d’autres langues
peuvent être utilisées en plus du français dans certains cas
(op. cit., article 22).
La Charte précise également que « le nom d’une entreprise doit être en
langue française » (article 63). Ainsi, on trouvera des chaînes telles
que « Les cafés Second Cup », « Café Starbucks Coffee » et les génitifs
saxons sont généralement dissimulés (« Tim Hortons »).
Il apparaît clairement que les Québécois aiment la langue française et
tiennent à en faire bon usage ; dans de nombreux cas —mais pas
toujours— des mots seront adaptés au français alors que les
francophones d’Europe de l’ouest emploieraient directement le mot
anglais. Cette attention portée au respect de la langue se retrouve
dans la
typographie,
bien mieux respectée qu’en France, en particulier pour les signes
diacritiques sur les majuscules. On remarquera que le quotidien réputé
Le Monde respecte beaucoup moins bien
les recommandations de
l’Imprimerie Nationale
(française, pourtant) que, par exemple, le magazine
L’Actualité.
Au Québec, c’est l’Office québécois
de la langue française qui publie le dictionnaire de langue
officiel. Il semble plus dynamique et près des actualités,
technologiques notamment, que son analogue français qu’est
l’Académie française.
5.2.2 Vocabulaire québécois
Sauf indication contraire, toutes les versions françaises des mots
suivants sont immédiatement compréhensibles par un Québécois.
Mots non traduits et/ou à l’air vaguement anglais
- Botcher (v.)
- Bâcler.
- Une cache
- Mémoire cache.
- Condom
- Préservatif, prononcé de la même manière
le nom de la commune française de
Condom.
- Crackpot
- Siphonné
- Dumper (v.)
- Déposer (une personne ou des objets) de façon plus
ou moins brutale.
- Une job
- Un emploi, pas forcément dans le sens « petit boulot »
qu’on entend souvent en France. « Ça fait la job » pour “It
does the job”.
- Laptop
- Ordinateur portable. On dit aussi « portable »,
mais ce dernier mot ne désigne pas les téléphones portables, qui
sont appelés « cellulaires ».
- Lunch
- Repas qu’on a apporté sur le lieu de travail avec
l’intention de l’y consommer ; aussi connu sous le nom de
« gamelle » en France.
- Matcher (des personnes)
- Entremettre.
- Napkin
- Serviette en papier.
- du Pot
- Du shit↗. Exemple : « tout Montréal
sent le pot ».
- Une switch
- C’est l’équipement réticulaire
(« commutateur »). Un switch désigne la construction
présente dans certains langages de programmation.
- Tire, flat
- Pneu, crevaison.
Je ne liste ici que les mots et expressions que j’ai entendu de vrais
Québécois utiliser spontanément : je ne fais pas
confiance, par exemple, aux publicités pour représenter fidèlement le
vocabulaire en usage au Québec. En effet, il semble qu’elles soient
souvent le fait d’anglophones dont la maîtrise du français est
imparfaite.
- Beigne
- Donut (c’est un beigne).
- Bibitte
- Insecte.
- Bienvenue
- C’est la réponse polie des commerçant à « merci »,
analogue au « s’il vous plaît » belge. Ça peut être très troublant
au début, même si on est prévenu (« “Bienvenue?” Comment a-t-il
deviné que je venais de débarquer? »).
- Bisoune
- Bite (ça donne un tout nouveau sens au mot
Bisounours↗).
- Bleuet
- Myrtille (à peu près ; la variété n’est pas précisément
la même).
- Blonde, chum
- Respectivement (petite) copine, (petit) copain.
- Bobettes
- Sous-vêtements.
- Boucane, boucaner
- Fumée, fumer.
- Boules
- Seins.
- Brocheuse
- Agrafeuse.
- Ça me fait plaisir
- My pleasure. Il faut reconnaître
que c’est plus joli que « de rien ».
- Canette
- Boîte de boisson en métal (can, tin). On ne peut pas
appeler ainsi les petites bouteilles de soda, on les appellera
« bouteilles ».
- Capoter, faire capoter
- Flipper, faire flipper.
- Char
- Voiture.
- Chandail
- Pull-over. Le verso du billet de cinq dollars
série 2001 fait mention de la fameuse histoire du
Chandail de Hockey↗ dont le
thème est les relations entre Canadiens francophones et
anglophones.
On
me fait remarquer que ce terme de chandail est également utilisé
en France dans certaines régions reculées (comme Paris). C’est un
commentaire qui s’applique en fait à plusieurs des termes de ce
lexique ; j’ai souvent entendu mes grands-parents utiliser le mot
« char » pour désigner une voiture.
- Chicane, se chicaner
- Dispute, se disputer
- Chienne
- Avoir la chienne : avoir peur. Être habillé comme la
chienne à Jacques : mal vêtu.
- Chiffrier
- Tableur.
- Chocolat
- Barre sucrée (genre Mars, ou Oh Henry!),
qu’elle contienne ou non du chocolat. C’est un canadianisme qui
existe aussi en anglais.
- Circulaire
- Prospectus.
- Cocotte
- Pomme de pin.
- Craque
- La raie des fesses (butt-crack).
- Crisser, se faire crisser
- Foutre dehors.
- Déjeuner, dîner, souper
- Respectivement petit déjeuner,
déjeuner et dîner ; c’est le même usage que dans le pays de
l’Église Belgicane↗. Il semble que le mot « dîner » pour
désigner le repas du soir soit reconnu également, et considéré
comme snob.
- De même
- Comme ça.
- Dépanneur
- C’est plus ou moins
l’équivalent de « l’Arabe du coin » ; des boutiques ouvertes jusque
tard dans la nuit (parfois 24/7), un peu plus chères que les
autres, et qui vendent alcool (« bière et vin », pas d’alcools
forts : pour cela, il faut aller chez SAQ), magazines, cartes
téléphoniques, tabac et quelques aliments.
- De quoi
- Quelque chose
- Dispendieux
- Cher.
Le mot existe aussi en français, mais n’est pas dans le même
niveau de langue ; c’est un mot du niveau courant en québécois.
- les États
- Les States.
- Écoeurant
- Délicieux (e.g. pour un mets).
- Écoeurer
- Faire bisquer.
- Fève
- Haricot blanc.
- Fin, fine
- Gentil, gentille (Cf. blague scabreuse « fine fine
fine fine »).
- Gager
- Parier.
- Intoxiqué, chaud, gelé
- Sous l’influence de substance
psycho-actives.
- Intra
- L’examen de mi-session à l’université : en France,
on appelle ça un partiel.
- Laveuse
- Machine à laver le linge.
- Magasiner
- Faire des courses.
- Marde
- Merde.
La marde
blanche, bien sûr, c’est la neige. Parce que la neige c’est
marant une semaine, mais on en a vite marre (on en est vite
tanné).
- Moufette
- Putois.
- MTS
- MST↗. C’est un exemple
de ce qu’il faut faire : s’assurer que tout acronyme anglais (ici
STD) est soigneusement retourné lors de sa traduction en
français.
- ça Paraît
- Ça se voit.
- Parcomètre
- Parcmètre.
- Une passe
- Un passe ; carte de métro par exemple.
- Piastre, sou
- Respectivement dollar, cent.
En France, hélas, depuis l’euro↗, on n’a pas trouvé
de remplaçants à nos balles, sacs, et briques—mais il n’y a pas
une telle pénurie au Québec. Le mot « piastre » est prononcé
approximativement [piâsse], mais si vous faites comme moi et
dites simplement « pièce », personne ne remarquera la supercherie
(ou bien tout le monde aura la délicatesse de ne pas mentionner
l’erreur, ce qui revient au même).
- Placotter
- Bavarder
- Sacre
- Juron (mais alors... le Sacre du Printemps↗?).
- Sacrer son camp
- Se barrer.
- Se raser la poche
- Se raser le scrotum↗.
- Session
- Trimestre
ou semestre ; la durée d’un cours d’universités. À l’Université
de Montréal, les sessions sont officiellement appelées
« trimestres », et un « trimestre » dure quatre mois, ce qui permet
de couvrir l’année entière avec trois sessions.
- Suçon
- Sucette.
- Tantôt
- Tout à l’heure.
- Un trente-sous
- Une pièce de vingt-cinq cents.
Il semble qu’on dise aussi « deux trente sous » pour un dollar.
Il existe plusieurs explications plus ou moins plausibles pour ce
nom, dont une qui ne manque pas de se moquer de dénominations
anglaises ayant existé dans le passé, et qui se seraient divisées
« naturellement » en trente centièmes.
Anglicismes
Les mots et expressions qui suivent m’ont tout l’air d’être des
traductions approximatives de l’anglais, mais j’ai pu me tromper dans
mon jugement.
- Frais peint
- Peinture fraîche (fresh paint).
- Charger
- Faire payer, facturer (to charge).
- Spécial
- Promotion (special).
- Prendre un cours
- Suivre un cours (take a class).
- Rester
- Habiter.
Mais on me fait remarquer que l’usage traditionnel est identique
dans le Berry↗.
- Régulier
- Normal (regular).
- Toune
- Morceau de musique, piste de disque (tune).
- Meneuses de claques
- Pom-pom girls (cheerleaders).
- Goûter
- Sentir (au goût) (to taste).
- Compléter
- Terminer (to complete).
- Épais
- Bête (thick).
- Vente
- Soldes ou promotions (sale).
- Je suis comme...
- Je suis genre... (I’m like...).
- Scie à chaîne
- Tronçonneuse (chainsaw).
- Hors-foyer
- Flou (optique) (out of focus).
5.3 Affichage des prix
5.3.1 Prix hors taxes
Dans les magasins et restaurants, les prix sont affichés hors taxes,
comme aux États-Unis↗. Ainsi, dans les
supermarchés, sauf pour l’alimentation, non taxée, il faut ajouter la
TPS↗ (taxe fédérale) et la
TVQ (taxe de province) au prix affiché pour obtenir le prix taxes
comprises. En mars 2005, ces taxes s’élèvent respectivement à 7 % et à
7,5 %, soit un total de plus de 15 %. Comme aux États-Unis,
également, il arrive que des promotions alléchantes soient assorties
d’une limite comme « maximum 3 par client. » Je ne sais pas dans quel
but ce genre de limite est imposé, ni si c’est particulièrement légal.
Pour les restaurants, c’est la même chose, si ce n’est que le service
n’est pas inclus. Il faut laisser environ 15 % de
pourboire↗ (un peu moins si vous êtes mécontent du service,
un peu plus si vous en êtes très content—surtout si vous comptez
être bien reçu lors de vos prochaines visites), et donc s’attendre à
débourser un peu plus de 30 % de plus que ce qui est écrit sur le
menu.
Le rabais postal↗ sévit lourdement en Amérique du nord ;
les magasins annoncent fièrement un prix qui ne correspond pas à ce
que vous allez payer. Par exemple, on pourra voir dans un catalogue un
prix de 79,95 $ alors qu’il serait (un peu) plus honnête d’afficher
99,95 $ :
- Une réduction du magasin de 5 $ est comptée alors qu’elle n’est
accessible qu’aux membres d’un programme de fidélisation ;
- le rabais postal de 15 $ est déjà compté, alors que celui-ci
nécessite nombre de manipulations fastidieuses : remplir un
formulaire, joindre une copie du ticket de caisse, découper le
code à barres de l’emballage, payer le prix d’un timbre pour
expédier le tout, attendre six à huit semaines ;
- les taxes sont à payer sur le prix avant réduction ; il
faut payer ces taxes sur la totalité du prix, y compris la
partie qui devait être remboursée par rabais postal. Dans cet
exemple, le prix total après réductions —pour quelqu’un qui
est membre du programme de fidélisation— équivaut à un prix
hors taxes de 82,56 $ : personne ne peut réellement profiter du
prix annoncé de 79,95 $.
En résumé, vous sortirez du magasin ayant déboursé pas moins de
114,96 $. Le rabais postal ne couvre même pas les taxes : le prix
annoncé de 79,95 $ correspond à une dépense effective de 99,96 $.
Un Européen habitué à voir affichés des prix
TTC aura, au début, l’impression
parfaitement justifiée de se faire escroquer plusieurs fois par jour.
Puis il se résignera à se faire arnaquer régulièrement.
5.3.2 Prix massiques
Dans les supermarchés, l’affichage du prix massique ou volumique n’est
pas systématique et le choix de l’unité semble fantaisiste et
aléatoire (c’est parfois en dollars par 100 g, ou en cents par
100 g). Cet affichage est très souvent supprimé pour les articles en
promotion : on aura ainsi du mal à savoir s’il est intéressant
d’acheter une marque réputée parce qu’elle se retrouve
moins chère que la marque du distributeur, ou si tel n’est pas le cas.
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David Haguenauer <www@kurokatta.org>